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Réponse de Michel Clouscard à Claude Morhillat + Analyse vidéo de Dominique Pagani

Dernière mise à jour : 5 févr. 2022

Première partie :


Seconde partie :

S

Réponse à Claude Morhillat

Michel Clouscard , 1987

« Société Française » me proposant de répondre à la critique de Claude Morhillat dès son prochain numéro, c’est « à chaud » et très rapidement que j’ai rédigé cette première réponse, comptant plus tard proposer une réponse systématique à la critique du « projet d’ensemble ». Je remercie tout d’abord Claude Morilhat du très bon esprit de sa critique constructive.

J’assumerai même son jugement d’introduction : « Clouscard indispensable mais … insatisfaisant ». Je pourrais même dire que j’en suis fier ! C’est un parfait et à mon avis élogieux « positionnement » dialectique. Ma contribution à la recherche marxiste, en particulier pour combler le « retard théorique », est reconnue, et cela dans la mesure où la critique de cette contribution peut permettre un nouveau progrès de cette recherche.

Ma réponse – aussi constructive – à la critique de Claude Morilhat sera ordonnée selon une double progression : du moins « grave » au plus « grave », des points particuliers à la critique fondamentale.

« L’auteur donne souvent l’impression de travailler à la hache ». C’est ce que je voudrais beaucoup en dire, trop sans doute, j’en conviens, étant donné que la place, pour le faire, est très limitée. Très souvent, en effet, je ne fais qu’indiquer, désigner, marquer. Je ne fais que prendre date, montrer l’idée, le problème. J’ai voulu avant tout proposer un travail de repérage global, de mise en situation, de délimitation d’un champ culturel. Il faut savoir désigner les cibles, dégager très vite les topiques, les enjeux. Et c’est en partie, inévitablement, un travail de guerre idéologique, à la hache.

Sartre, Lévi-Strauss, Foucault, Barthes, Lacan, Bourdieu, Baudrillard comme les Os de Cuvier.

A propos des grands auteurs : « le dessin à grands traits se distingue mal de la caricature faute du recul culturel nécessaire ». Mais Claude Morilhat a très bien compris, aussi, que ces grands auteurs ne font que me servir de signifiants majeurs de la phénoménologie de la bourgeoisie. Je suis indifférent à leurs œuvres en tant que telles. Ils ne m’ont servi qu’à désigner les articulations, les thèmes, les figures, les « étants » de cette phénoménologie ; du néo-kantisme théorique. Cette démarche peut évidemment surprendre. Réduire Sartre, Lévi-Strauss, Foucault, Barthes, Lacan, Bourdieu, Baudrillard, à n’être que l’os qui permet de reconstituer l’animal, (phénoménologique), comme Cuvier a pu le faire, cela peut même paraître scandaleux à ceux qui ont pu croire aux messages et à l’unicité des grands maîtres. Mais cela relève d’une méthode qui se veut très rigoureuse, j’y viendrai.

Le « potlatch de la plus-value » pour dire en deux mots l’essentiel


Pour Claude Morilhat, « Incontestable, la réussite de « l’exercice de style » s’affirme en partie du détriment du « travail de fond » ». Il écrit même « Totem, potlatch, principe de réalité … le détournement de notions qui ont fait les beaux jours de la théorie est habile, mais l’extraction de leur champ d’horizons ne suffit pas à leur assurer une dimension conceptuelle, si elles font images elle n’autorisent pas pour autant une meilleure compréhension de la société capitaliste ». Pourtant l’expression : « potlatch de la plus-value » ne dit-elle pas, en deux mots, l’essentiel ? N’y a-t-il pas, presque, adéquation de l’image et du concept ? Après avoir préparé le lecteur, en me servant des catégories du « culturo-mondain », je lui impose un bien surprenant glissement de sens qu’il ne peut plus récuser. En partant de cette aimable notion de l’ethnophilosophie qu’est le potlatch, j’en viens à dire la nécessité même que ce genre de discours permet de cacher. Mon style « imagé » n’est que la réponse à la question même de la pédagogie : comment, à partir du langage idéologique usuel, en venir à la nécessité du concept ? C’est le problème de Socrate. J’ai voulu aussi y répondre : « le potlatch de la plus-value ». N’y a-t-il pas un bon usage, didactique et même conceptuel, de l’image ?


Redéfinir le statut théorique de l’Etat.


Mais venons-en à des critiques qui me semblent plus importantes. Claude Morilhat me fait un autre reproche, bien plus grave sur mon « schématisme » et « manque de rigueur » qui deviennent même « laxisme théorique ». Et tout d’abord sur un problème fondamental pour la pensée marxiste : le problème de l’Etat. Claude Morilhat me reproche une interprétation « instrumentale » de l’Etat et même, ce qu’il n’explicite pas mais qui à mon avis se lit en filigrane, dans son texte, une interprétation opportuniste.

J’ai voulu redéfinir le statut théorique de l’Etat. Je crois que c’est une urgence, une priorité même, car cette notion est devenue une hypostase, qui à la limite devient même mythique. L’Etat a été substantialisé, réduit à une univocité monolithique. Cette réification a eu deux effets pervers. D’une part, le blocage de la recherche marxiste, une inhibition devant une notion que même Marx n’a pas théorisée. Et d’autre part, un usage commun au dogmatisme et au gauchisme : l’Etat bourgeois purement répressif.

L’Etat n’est pas une chose en soi, une bûche, ou un « monstre froid » mythique . J’ai voulu rendre l’Etat à la dialectique et à l’histoire, pour débloquer la recherche, lutter contre les déviations et surtout pour permettre à la stratégie révolutionnaire de « s’articuler » sur l’Etat et même pour proposer les lieux et les moyens des interventions stratégiques sur une réalité historique que la grande bourgeoisie et le grand capital ont su, eux, démythifier par son un usage instrumental, opportuniste, hyper-réaliste. En effet, dans les livres cités par Claude Morilhat tout cela n’est qu’indicatif, allusif même. Je ne ferai que proposer le schéma de ma recherche aggravant ainsi le reproche de … « schématisme ». Mais, dans mon dernier livre, « Les Dégâts de la pratique libérale », j’explicite ces propositions théoriques et stratégiques.


Ma thèse est que l’Etat est à trois dimensions, trois attributs dirait Spinoza, trois rôles, trois fonctions. L’Etat français n’est-il pas, quand même, aussi républicain ? Le gaucho-fascisme qui voulait détruite l’Etat n’aurait-il pas du coup, liquidé la République ? Peut-on définir l’Etat français comme si la Révolution Française n’avait pas eu lieu ? Aussi « le mythique Etat de la volonté générale » comme dit Claude Morilhat, me semble être au contraire, une composante très réelle, institutionnelle et constitutionnelle, que la théorie aurait grand tort de négliger car la conséquence serait une fatale erreur stratégique. L’Etat est aussi, et surtout évidemment, l’expression de la classe sociale dominante, l’émanation politique du mode de production ; je cite constamment « le capitalisme monopoliste d’Etat ». Troisième dimension de l’Etat : il est l’Etat-nation. Il gère l’appareil infrastructural et superstructural de la Nation. Et là, je récidive, relaps : l’Etat est aussi, en plus des deux essentiels attributs cités, appareil de gestion, instrument d’une nécessaire planification et centralisation ou décentralisation qui pourrait même être dit « neutre » … si cette gestion n’était pas, par excellence, le lieu d’affrontement de l’Etat républicain et de l’Etat capitaliste, de la contre-révolution et des droits de l’homme.

Mais ce n’est pas tout : il faut proposer une deuxième ligne (théorique) de la notion d’Etat. Il faut le rendre, encore plus, au matérialisme dialectique et historique : l’Etat doit être défini selon le système de sa relation dialectique et historique avec la société civile et avec l’appareil d’Etat. Ce système de définitions est très important car il permet, après s’être articulé sur la première ligne théorique, de définir la stratégie révolutionnaire dans les pays dit post-industrialisés. Dans les « Dégâts de la pratique libérale », j’ai explicité les modalités de cette stratégie. Je ne ferai qu’en dégager l’idée fondamentale. Le socialisme démocratique et autogestionnaire est maintenant possible à cause du nouveau dispositif que je viens d’énoncer.


Le travailleur collectif, autre entité produite par le CME, peut et doit maintenant intervenir sur les éléments dialectiques et historiques qui engendrent la réalité « pratique » de l’Etat. En se servant de ce cheval de Troie qu’est l’Etat républicain, au nom des droits de l’homme, en agissant sur la société civile (qui est son négatif), en investissant l’appareil d’Etat, en se glissant dans le jeu des rapports de force, en s’emparant même de certaines Bastilles de gestion (La Sécu pourrait être proposée comme un cas privilégie de ce combat). Il faut bien comprendre l’inversion réalisée par le capitalisme : ce n’est plus l’Etat qui décide de la société civile. L’Etat est devenu l’émanation d’un capitalisme qui a totalement maîtrisé la société civile en la réduisant à un marché généralisé, le marché du désir. Aussi, il ne faut pas se tromper de cible, se laisser duper par la stratégie du libéralisme social libertaire. L’Etat est aux ordres de la société civile dans la mesure où celle-ci est soumise au capitalisme. L’Etat est devenu, essentiellement, l’instrument de gestion d’une nation qui est devenu un marché généralisé. C’est sur cet Etat-là que le travailleur collectif peut maintenant « travailler » en profitant de sa déliquescence opportuniste, en jouant sur ses articulations et expressions historiques. Faire de l’Etat une abstraction monolithique – à la manière d’Althusser – c’est s’interdire toute stratégie autre que celle de la dictature du prolétariat : on prend l’Etat ou rien.


Ma définition du politique me semble être alors l’expression même de cette situation ; elle est dialectique et historique, contrairement à ce qu’en dit Claude Morilhat lorsqu’il interprète ma phrase : « le politique n’est plus que le combat pour la gestion ». Je précise : dans la mesure où la gestion se révèle être le politique même de l’économique. Tout cela va dans le sens du marxisme : c’est bien l’économique qui, en dernière instance, décide du politique. L’époque, la crise, le révèlent. Mais alors que le discours dominant de l’idéologie est devenu l’économisme, le marxiste, lui expliquant ce jeu des catégories, accède au politique. Expliquer que la problématique de la gestion est devenue l’effectivité du politique, c’est un savoir politique, nécessaire à qui veut proposer une stratégie révolutionnaire.

Baudrillard : la société de consommation permet de ne pas parler de la lutte des classes.


Autre reproche de Claude Morilhat, qui je l’avoue, m’a ulcéré. Il ose me comparer à Baudrillard, 1 à propos d’une problématique théorique fondamentale, sur laquelle je vais revenir, alors que des millions d’années-lumière gnoséologiques, politiques, spirituelles, éthiques, nous séparent. Baudrillard est l’une de mes caricatures, l’autre étant Bourdieu, caricatures de la phénoménologie de la praxis que je propose.

Je n’ai rien de commun avec le subjectivisme naïvement mondain de Baudrillard ni avec ( et là Claude Morilhat en convient ) le positivisme naïvement scientiste de Bourdieu. Comment Claude Morilhat peut-il me réduire à une caricature alors toute la première partie de son article a consisté à définir ma différence avec Baudrillard ?

D’ailleurs, ce n’est pas moi qui « reprends » les thèses de Baudrillard. C’est lui qui a tiré les marrons du feu de ma recherche fondamentale, théorique, en l’expurgeant de toute ma reconstitution de la lutte des classes pour n’en proposer qu’une profiteuse expression culturo-mondain, qui n’est autre que la figure privilégiée de la mondanisation de la culture que je dénonce : le discours BCBG sur la société de consommation.


Claude Morilhat a bien montré pourtant comment j’expliquais la généalogie de la société de consommation ?! Baudrillard fait l’inverse : il explique par la société de consommation. Il en fait une abstraction globalisante qui recouvre a priori toute détermination. La description tient lieu d’explication. Ce qui permet de ne pas parler de la lutte des classes. Et mieux : de la considérer, au fond, comme dépassée, recouverte par la société de consommation. La mise en forme permet de liquider le problème de fond.

La société de consommation pour Baudrillard, c’est les autres (de même pour la pornographie). Pour moi, la société de consommation c’est Baudrillard, le discours culture qui a permis d’inventer et d’imposer la notion d’idéologique qui doit empêcher l’explication par la lutte des classes. Baudrillard est le porte-parole des nouvelles couches moyennes, du cadre qui parti de la contestation de mai 68, a maintenant parfaitement « réussi » et qui tire le pont-levis derrière lui. Baudrillard est le « signifiant » même qu’il prétend dénoncer. Il est le discours culturel qui se croit « post-marxiste », de la fin (prétendue) de la lutte des classes. Il représente la plus grande effectivité et actualisation idéologiques. Il a réussi cette magistrale opération : prendre au marxisme tout ce qui lui permet de le récuser. La société de consommation n’est pas le dépassement du marxisme. Tout mon travail a consisté à montrer, au contraire, que [ la société de consommation ] est lutte des classes généralisée, forme ultime du capitalisme. [lutte des classes selon le niveau de vie et le genre de vie ] Et cette perfection de la civilisation capitaliste est aussi la meilleure condition de sa fin, ce que je montre dans « Les dégâts de la pratique libérale ».

La phénoménologie de la praxis et l’usage des catégories de “valeur d’usage” et “valeur d’échange”.

Mais venons-en à ce qui me semble être l’essentiel. Cette comparaison avec Baudrillard serait justifiée, pour Claude Morilhat, par l’usage abusif que je fais des notions de valeur d’usage et de valeur d’échange. Cet abus, ce détournement de catégories, serait révélateur d’une méthode qui tournerait même « au laxisme théorique » Je crois qu’il s’agit d’un malentendu qui peut être tout d’abord très vite écarté, en faisant une très nette distinction entre le domaine de l’économie politique et celui de la philosophie de la praxis, entre les acquis du marxisme et la recherche.


Pour élaborer la phénoménologie de la praxis, j’ai effectivement procédé à un « détournement de sens » : j’ai extrait les notions de valeur d’usage et de valeur d’échange du champ de l’économie politique pour les importer dans le domaine de la phénoménologie. Elles me permettent de définir deux axes phénoménologiques, deux a priori d’ordre économique, qu’il faut ensuite – toute la problématique de la phénoménologie est là – articuler sur l’existentiel. Ce projet vaut ce qu’il vaut. ( Je le justifierai plus tard pour conclure). Qu’il n’y ait donc pas de confusion, celle qui permettrait de me traiter de confusionniste. Je n’ai fait que proposer une « opération » méthodologique. C’est une construction qui repose sur une extraction et importation de notions. Celles-ci s’exercent en un nouveau champ de recherche, qui de lui-même, se distingue, tout en l’utilisant, du champ de l’économie politique.


Mais il est vrai que si j’ai bien distingué les deux champs de la connaissance, c’est bien leur articulation, leur mise en relation, qui est le problème gnoséologique fondamental : quels sont les rapports de l’économie politique marxiste et de cette philosophie de la praxis ? 3 Cette philosophie prétend se fonder sur l’économie politique marxiste, sur « Le Capital », et même sur le travail collectif du « capitalisme monopoliste d’Etat ». Il ne peut y avoir de philosophie de la praxis que dans la mesure où l’économie politique marxiste [ est constituée et ] l’autorise. C’est parce que cette économie politique existe que la philosophie de la praxis est possible et que, corollaire, elle n’a pas à justifier ses fondements, à reconstituer ses références (de là mes ellipses allusives qui sont tout le contraire de la désinvolture qui m’est prêtée)

Je n’ai jamais prétendu, moi, re-lire « Le Capital » de telle manière qu’il soit ré-écrit en termes de philosophie. [ Althusser ] Tout au contraire, ma phénoménologie de la praxis ne le remet jamais en question. Je le considère comme acquis. Je ne donne dans aucun révisionnisme théorique. De plus, je cite abondamment le CME ( ce qui par ailleurs m’a été vivement reproché). On sait en effet que sa théorisation « le capitalisme monopoliste d’Etat » est très ambiguë. C’est un énorme travail collectif d’actualisation « de l’économie politique marxiste » et en même temps l’origine de l’erreur politique du Programme Commun. C’est à ce niveau qu’intervient ma recherche théorique. Elle s’appuie dont sur « Le Capital » de Marx et sur la définition du CME. C’est un travail qui a été fait, dont je profite.

La critique du ” Capitalisme Monopoliste d’Etat” : le marché du désir et l’anti-communisme libéral libertaire.

Mais je critique aussi « le Capitalisme monopoliste d’Etat » pour deux raisons essentielles.

* La première est du domaine de l’économie politique, où je suis particulièrement incompétent et par conséquent, particulièrement prudent. Aussi je ne ferai qu’interroger les économistes marxistes : « que faites-vous de ce que, faute de mieux, faute d’analyses économiques, j’appelle, image qui en vaut d’autres, le marché du désir ? Ne peut-on pas quantifier l’industrie du loisir, du plaisir, du développement, du jeu, de la mode, etc ? Quels sont les rapports de la politique des revenus – qui fonde ce marché – et des investissement productifs ? Dans quelle mesure la redistribution d’une part des profits aux nouvelles couches moyennes modifie-t-elle le jeu de l’économie politique traditionnelle ? »

J’ai proposé trois caractéristiques essentielles de ce nouveau marché : il est la cause de nouveaux profits, il dynamise – ou ralentit ? – le marché traditionnel, et, enfin, cette énormité : [le marché du désir ] ne permet-il pas de « compenser » la crise, de rattraper les défaillance de l’économie traditionnelle, en un mot, d’empêcher ce qui s’est passé en 1929 ?

* Ma seconde critique porte sur une interprétation possible du « capitalisme monopoliste d’Etat », dont le mécanisme est analysé dans la thèse 39 de mon dernier livre : « les dégats de la pratique libérale » et qui consiste essentiellement à identifier économie et politique : ce qui se passe dans l’économie doit nécessairement se répéter dans le politique. Le CME exploitant presque toute la population, un front anti-monopoliste devrait se créer. Or, c’est le contraire qui s’est produit : le développement du consensus anti-communiste.

Aussi pour « critiquer » cet économisme, fondement théorique d’une erreur stratégie désastreuses, j’ai entreprise de reconstituer la phénoménologie et la logique de la « société capitaliste » selon les trois livres dont Claude Morilhat rend compte : les mœurs [Capitalisme de la Séduction], les classes sociales [La Bête Sauvage], les idéologies [ De la modernité : Rousseau ou Sartre ].

Alors est possible l’élaboration d’une stratégie révolutionnaire adéquate à cette modernité capitaliste ( cf. « Les dégâts de la pratique libérale » )

* [ les mœurs ] Il fallait dire le rôle nouveau de la société civile, devenue le lieu de la création « spontanée » du marché du désir, de la demande, qui identifie maintenant idéologisation et mercantilisation, société civile qui a eu le vertigineux pouvoir d’inverser en termes existentiels et politiques l’ordre de la nécessité économique.

* [ les classes sociales ] Il fallait dire les nouvelles relations de la société civile, de l’Etat, de l’appareil d’Etat.

* [ les idéologies ] Il fallait montrer aussi le rôle des philosophies néo-kantiennes dans la production du consensus du libéralisme social libertaire. Etc..

Les rapports de l’économie politique marxiste et de la philosophie de la praxis.

Je peux maintenant définir les rapports de l’économie politique marxiste et de la philosophie de la praxis. Mon double travail critique – de l’économie politique définie par « Le capitalisme monopoliste d’Etat » – s’appuie sur les acquis de l’économie politique marxiste. Aussi, s’il n’apparaît pas trop prétentieux de mettre sur le même plan un travail collectif et une contribution personnelle, le second mouvement de ma démarche consistera à proposer une synthèse de l’avancée théorique du « Capitalisme monopoliste d’Etat » et de ma critique.

Mon hypothèse de recherche est que l’unité du matérialisme dialectique et historique doit être la synthèse des acquis théoriques de l’économie politique et de l’actualisation phénoménologique de la lutte des classes. Le commencement de cette synthèse me semble devoir être apportée par la réponse des économistes marxistes aux interrogations du marché du désir.

C’est du moins ce que je suggère, comme prospective, euristique. Autremen dit, ma démarche, critique et synthétique, loin d’être un « laxisme théorique » témoigne, au contraire, d’une bien inactuelle et rarissime vigilance théoricienne. Elle est une actualisation de la lutte des classes qui a le double avantage de contribuer à combler « le retard théorique » et de proposer, comme corollaire, la stratégie révolutionnaire qui doit répondre à l’actuel consensus du libéralisme social libertaire.

Statut gnoséologique de la philosophie de la praxis pour le matérialisme dialectique et historique.


Je me réserve de répondre ultérieurement à Claude Morilhat sur le « projet d’ensemble ». Je pense que tout tourne autour de cette interrogation : quel est le statut gnoséologique de la philosophie de la praxis du point de vue du matérialisme dialectique et historique ?

Je viens de proposer une première approche de cette problématique. Elle reste conjoncturelle. Tout un débat de fond est à entreprendre. Mais déjà, je fais part de mon ultime « ulcération ». Alors que le but de mon travail est de proposer la logique même de la production, Claude Morilhat compare ma démarche à celle de l’empirisme des Lumières ! C’est bien le pire qui puisse arriver à un chercheur pour qui la marque a priori du laxisme et de la permissivité théorique est l’empirisme, ce péché de l’esprit (gnoséologique) par excellence.

Cette critique m’étonne beaucoup après ce que j’ai pu dire dans « De la modernité : Rousseau ou Sartre » sur la logique et la phénoménologie de la praxis et sur le néo-kantisme. Claude Morilhat ne peut quand même pas ignorer qu’entre l’empirisme des Lumières ( que je dénonce) et la philosophie néo-kantienne du libéralisme, il y a eu Hegel et Marx qui se sont appliqués à montrer que le procès de production, lorsqu’il est reconstitué en termes dialectiques et historiques, non seulement interdit l’empirisme mais a le suprême pouvoir gnoséologiques de le définir, de le repérer et de le dénoncer.

Pour conclure, provisoirement j’espère, je voudrais protester encore contre une autre « injustice » d’une critique juste, très sérieuse et honnête, et protester avec véhémence même contre la réduction dérisoire de ma phénoménologie. Elle est vraiment presque ridiculisée lorsque Claude Morilhat la ramène, dans sa conclusion, à quelques figures de l’époque.

Faut-il que je rappelle que cette phénoménologie est celle de l’histoire, du procès de production du mode de production féodal ( cf. « L’être et le Code ») et de notre modernité, de la Révolution Française à nos jours ( cf « De la modernité : Rousseau ou Sartre » ? ) Elle est la phénoménologie des mœurs, des classes sociales, des idéologies ( le néo-kantisme) comme Claude Morilhat l’a pourtant précisé lui-même dans son introduction. Je n’aurai pas l’outrecuidance de demander « Qui dit mieux ? » pour ce qui est de la connaissance de la « civilisation capitaliste » et de la société française, mais je pense avoir apporté une contribution qui appelle discussion, ce dont je remercie chaleureusement Claude Morilhat.



Michel Clouscard

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